L'HOMME RISQUE "suite", commencer la lecture par l'article précédent".
Il n'est pas question pour autant de prendre des risques et d'en faire assumer les conséquences à la collectivité. L'homme-entreprise est un risquophile qui assume seul ses succès comme ses échecs. C'est une question de dignité! " L'objectif n'est pas de permettre à chacun d'externaliser sur d'autres le maximum de risques mais, à l'inverse, de faire que chacun puisse assumer un maximum de risques, puisqu'il y a là, de toute éternité, le principe de la dignité de l'homme". Est digne celui qui peut assumer ses risques. Pourquoi pas ? mais à condition qu'il y ait égalité devant le risque. Ce qui n'est jamais le cas. Ce n'est pas la même chose de risquer dix euros quand on en possède mille que risquer dix euros quand on en possède dix !La dignité de l'homme impose donc au travailleur d'accepter les risques, non pas de son métier, mais de son secteur économique. Chômage technique, chômage économique, chômage financier, restructuration, consolidation, délocalisation... autant de risques de la vie liés à la santé ou l'amour. "La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?" s'interroge Laurence Parisot, patronne du Medef. Propriétaire de son "capital humain", l'individu en est le seul responsable. C'est à lui d'opérer les choix rationnels pour le faire fructifier, en prenant des risques calculés et en s'assurant en cas d'échec.
Quand à l'état, il n'est plus l'agent protecteur. Son rôle évolue. Les risquophiles, François Ewald et Denis Kessler, ont beau plaider pour une complémentarité entre l'état et le marché, leurs références parlent pour eux. Ils partent d'un "modèle pratiquement incontesté de l'économie de marché" et citent les néolibéraux les plus radicaux, Friedrich Hayeck et Gary Becker, pour dessiner la société idéale, celle du "gouvernement du risque", en référence à Michel Foucault, l'ancien maître à penser de François Ewald. L'élève a dépassé le maître. Foucault reconnaissait que la sécurité sociale ne pouvait pas couvrir tous les risques de la vie mais il n'en appelait pas pour autant à l'édification d'une démocratie du risque.
La gouvernementalité du risque modifie les missions de l'Etat. Ce n'est plus à lui d'assurer les individus. En revanche, il les oblige à se couvrir auprès du secteur privé. L'Etat réduit les protections qui viennent de la solidarité collective et promeut les assurances privés proposées par le marché. Sa tâche est de veiller à ce que les individus s'en remettent au secteur marchand pour se protéger eux-mêmes sans qu'il soit une charge pour la société. Les marchés récupèrent ainsi l'argent que les individus investissent dans leurs multiples assurances et couvertures : assurance civile, habitat, santé, investissement dans la formation, dans la retraite, les accidents de la vie... Exit l'Etat-providence, nos "risquophiles" plaident pour un Etat-minimum qui ne prend plus en charge les risques des individus.
La suite et fin de "L'HOMME RISQUE" au prochain numéro.
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